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Zéro chômage de longue durée: une expérimentation d'«utopie réaliste» votée à l’unanimité à l’Assemblée


 

L’expérimentation de territoires «zéro chômage» de longue durée, au centre d’une proposition de loi socialiste dépeinte comme «une utopie réaliste», a été votée mercredi soir à l’unanimité à l’Assemblée nationale.

Défendu par Laurent Grandguillaume, ce texte inspiré par l’association ATD Quart Monde, qui travaille sur le projet depuis plusieurs années, et soutenu par d’autres associations (Emmaüs, Secours Catholique, Fnars, pacte civique, Bleu Blanc Zèbre...), a obtenu l’aval de toute la gauche, comme de l’UDI et des élus Les Républicains.

Au coeur du projet: une expérimentation législative, pendant cinq ans, dans dix micro-territoires volontaires, de l’embauche en CDI, payé au Smic, de chômeurs de longue durée dans une entreprise développant une activité dans l’économie sociale et solidaire, via la réaffectation des dépenses liées au chômage. La mesure, si elle est jugée concluante, pourrait être généralisée.

«Pour ouvrir le chemin d’une espérance nouvelle, il faut porter des utopies réalistes face aux injustices», selon M. Grandguillaume, député de Côte d’Or, qui a souligné dans l’hémicycle que l’emploi est un «lieu central de dignité». Dans une France où «existe parfois une forme de résignation, qui se conjugue aussi à une défiance envers les institutions», cet élu socialiste vante l’action des citoyens voulant, dans les territoires, «réenchanter la vie de la cité».

«Nous ne devons exclure aucune bonne idée dans la bataille contre le chômage», a fait valoir devant les députés la ministre du Travail et de l’Emploi, Myriam El Khomri, rappelant que près de 2,5 millions de personnes sont inscrites à Pôle emploi (en catégorie A, B ou C) depuis au moins 12 mois, le chômage de longue durée étant un «fléau».

Alors que M. Grandguillaume estime que la proposition doit mobiliser un peu plus de 10 millions d’euros par an, la ministre a indiqué que pour la première année, l’Etat - dont l’engagement financier «viendra compléter celui d’autres partenaires, collectivités organismes publics ou privé» - pourra consentir «un effort exceptionnel», qu’elle n’a pas chiffré.


«Il faut être humble devant le chômage»


 

L’argent jusqu’alors alloué par l’Etat, les régions et les départements pour accompagner ces demandeurs d’emploi au travers du RSA, de contrats aidés ou de formations, servira à financer les salaires de ces personnes au chômage de longue durée. M. Grandguillaume espère aussi démontrer que le dispositif fera disparaître des coûts indirects du chômage, notamment de santé.

Les emplois identifiés vont des travaux de maraîchage ou forestiers, à l’aide à domicile, en passant par des travaux dans les campings.

Cinq territoires ont déjà planché sur le projet, en impliquant tous les acteurs (élus locaux, Pôle emploi, etc.): Pipriac (Ille-et-Vilaine), Grand Mauléon (Deux-Sèvres), Prémery (Nièvre), Colombey-les-Belles (Meurthe-et-Moselle) et Jouques près d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Environ 2.000 chômeurs de longue durée seraient concernés, y compris des personnes qualifiées.

Pour les écologistes, Michèle Bonneton, a salué un texte qui sort de l'«approche passive du traitement du chômage», Dominique Orliac estimant au nom des radicaux de gauche que la proposition de loi est «plus que pertinente».

Jacqueline Fraysse a dit pour le Front de gauche soutenir «sans réserves» un texte «qui contribue à redonner de la dignité à ces personnes en situation d’exclusion économique et à lutter contre les préjugés à l’encontre des chômeurs qui finalement ne chercheraient pas beaucoup de travail». Exprimant quelques réserves, notamment sur le choix des territoires concernés, Francis Vercamer (UDI) a tout de même salué «un pari ambitieux» et a dit voter pour «parce qu’il faut être humble devant le chômage».

Et alors qu’elle avait initialement annoncé une probable «abstention positive» de son groupe, Isabelle Le Callennec (Les Républicains) a dit à l’issue des débats avoir à titre personnel «évolué largement vers un vote positif mais vigilant», malgré des doutes persistant sur le financement du dispositif. Les autres élus LR ont fait de même.

Le texte, examiné en procédure accélérée, doit désormais passer au Sénat, a priori le 16 janvier, et pourrait être promulgué en mars, pour une application en septembre.